Passer à une « culture data-driven », c’est donner les moyens à son entreprise d’adapter son organisation et ses circuits de prise de décision pour capitaliser au maximum sur l’intelligence de la donnée. Pour y parvenir, il ne suffit pas de déployer un outil d’analyse en libre-service ou d’installer quelques capteurs IoT : la démarche passe par un changement d’état d’esprit plus profond. Explications.
Le terme « data-driven » désigne l’ensemble des processus qui permettent de piloter une activité grâce à la donnée. À première vue, il ne s’agit pas franchement d’une nouveauté : les entreprises n’ont pas attendu l’avènement du cloud pour mettre en place des datawarehouses et des outils permettant de manipuler des données ou concevoir des tableaux de bord utiles au métier. Depuis le début des années 90 et l’avènement des premiers « Executive Information Systems », les technologies ont largement évolué, mais la finalité reste la même : la donnée est toujours exploitée pour améliorer la prise de décision.
Si la finalité reste la même, alors pourquoi parle-t-on de data-driven culture ? Le concept découle du croisement entre deux phénomènes conjoncturels. Sur le plan technique tout d’abord, les entreprises disposent de volumes de données et de capacités d’analyse sans précédent. Le Big Data et le Machine Learning leur ouvre par exemple accès à des gisements de données non structurées qui échappaient totalement aux traitements informatisés.
Vers une donnée accessible et actionnable automatiquement
Les organisations sont dans le même temps confrontées à des évolutions plus structurelles, imposées par la nécessité de gagner en agilité pour conserver leur compétitivité. Le modèle pyramidal traditionnel cède progressivement la place à des organisations plus flexibles, avec des opérationnels qui ne cessent de gagner en autonomie quant à la prise de décision.
Adopter une culture « data-driven » consiste donc à tirer le meilleur parti possible de la convergence de ces deux tendances (cf. Big Data et Machine Learning). Sans préjuger des enjeux spécifiques à chaque entreprise, la démarche s’articule autour de trois axes de travail :
- Développer l’accessibilité consiste à donner aux utilisateurs métier l’accès à la donnée. Elle s’envisage bien sûr dans le cadre d’une gouvernance adaptée.
- La donnée doit ensuite être rendue actionnable, c’est-à-dire pertinente au regard des objectifs métier : l’exercice suppose notamment de ne pas s’arrêter aux KPI les plus évidents.
- L’automatisation intervient enfin pour accélérer le délai entre la collecte de la donnée et son interprétation.
La culture data-driven s’étend à tous les domaines
L’efficacité de la démarche a fait ses preuves dans des secteurs d’activité très divers. La plupart des e-commerçants exploitent par exemple aujourd’hui des systèmes de recommandation automatisés dont le pilotage est assuré directement par les équipes en charge de développer les ventes. Il n’est d’ailleurs pas rare d’entendre parler de « data-driven marketing ».
Une fois sensibilisés aux enjeux de la donnée, les métiers sont susceptibles d’identifier d’eux-mêmes les informations actionnables. En croisant les différentes sources de données à sa disposition, un spécialiste de la vente de vêtements chauds a par exemple réussi à mettre en lumière un lien entre ses courbes de ventes et l’évolution de la météo sur une zone géographique donnée. Grâce à cet enseignement très simple en apparence, il a pu optimiser à la fois ses investissements publicitaires et sa gestion des stocks.
Dans le monde industriel, la SNCF exploite une approche data-driven pour tous ses projets liés à la maintenance prédictive. Elle développe par exemple un capteur IoT chargé de mesurer la variation de température des rails utilisés sur les voies pour prévenir les phénomènes de dilatation qui pourraient entraîner une interruption de service.
On retrouve une logique similaire dans le monde des compagnies d’assurances où les données sont croisées et analysées afin de prévenir automatiquement les risques de fraude.
Toutes les études s’accordent depuis des années à saluer les mérites du pilotage par la donnée. Fin 2016, le McKinsey Global Institute livre des chiffres saisissants : les entreprises ayant réussi à adopter une approche data-driven ont 23 fois plus de chances d’acquérir de nouveaux clients, 6 fois plus de chances de les garder et 19 fois plus de chances de dégager des profits à la fin du parcours !
La même année, une étude Forrester souligne que 74% des entreprises souhaitent devenir data-driven, mais que seules 29% d’entre elles parviennent à effectivement rattacher leur prise de décision à leurs outils d’analyse. Le constat reste globalement le même en 2019. Un sondage mené par NewVantage Partners auprès des cadres dirigeants de grandes entreprises américaine révèle que 72% d’entre eux estiment ne pas avoir encore réussi à forger une véritable culture de la donnée au sein de leur société.
La mise en œuvre passe par un véritable projet d’entreprise
Qui dit culture d’entreprise dit projet d’entreprise : pour devenir data-driven, l’organisation doit apprendre à décloisonner ses activités pour faire circuler plus largement l’information et augmenter la capacité de chacun à produire des enseignements profitables à tous. C’est un projet de transformation qui touche à la structure même de l’entreprise. A ce titre, il doit donc être porté par des sponsors de premier plan. L’implication des dirigeants est d’autant plus importante que le principal frein à la réussite n’est pas technique, mais humain. Le plus souvent, c’est la résistance au changement qui empêche l’évolution des mentalités. L’adhésion de l’ensemble des hiérarchies concernées représente donc le prérequis incontournable pour avancer sur la voie qui mène à la data-driven company. Dès qu’elle est obtenue, l’entreprise peut se mettre en ordre de marche pour mobiliser ses données et améliorer sa prise de décision !