Il est important de comprendre les liens entre la fabrication et l’utilisation d’équipements numériques, leur consommation de ressources et les conséquences sur l’environnement et la société. Cette connaissance des impacts et des enjeux permet ensuite d’envisager des solutions pour un numérique plus durable.
Cet article s’appuie sur les données de la Fresque du numérique. Il s’agit d’un atelier collaboratif, qui vise à sensibiliser et former aux enjeux environnementaux et sociétaux du numérique.
L’atelier permet aussi de réfléchir collectivement aux actions activables pour évoluer vers un numérique durable.
Les opportunités du numérique
Bien que comportant des externalités négatives, il est important de souligner que le numérique nous offre également de nombreuses possibilités.
- Le numérique nous permet de communiquer et de partager des informations en nombre de par le monde. Cela favorise entre autres la sociabilisation, la circulation du savoir, …
- Le numérique favorise également le commerce. D’ailleurs, la part du e-commerce ne cesse d’augmenter, avec une progression de 13,8% en France en 2022.
- Le numérique contribue à l’optimisation de l’organisation dans différents secteurs industriels et tertiaires.
- Il offre aussi une puissance de calcul inégalée, qui permet de nombreux usages, notamment dans le domaine de la data.
- Et enfin, il contribue au divertissement, à travers le panel de jeux, vidéos, musiques, … qu’il rend accessible.
C’est pour l’ensemble de ces raisons, que le numérique a pris une place prépondérante dans nos quotidiens professionnels et personnels.
Aujourd’hui il n’est donc pas question de s’en passer. Mais il est question de comprendre l’impact de ses activités afin de questionner nos besoins et nos usages.
Les impacts environnementaux et sociétaux du numérique
Impacts lors de la fabrication des équipements numériques
Pour accéder à ces activités numériques, différents équipements sont nécessaires :
- équipements utilisateurs (smartphones, ordinateurs, …),
- mais également infrastructures réseaux (câbles, satellites, box, …)
- et data centers pour le traitement et le stockage de données. Et si le numérique peut sembler immatériel, ces équipements représentent bien une réalité physique.
Sur l’ensemble du cycle de vie de ce matériel, le premier impact intervient lors du processus de fabrication.
Ce sont les équipements utilisateurs qui ont alors la plus grande empreinte. À la fois car on en fabrique en plus grand nombre, mais aussi car ils ont une durée de vie globalement moins longue, et qu’ils sont donc plus souvent renouvelés.
Chaque équipement fabriqué exige un nombre important de ressources naturelles. Par exemple pour un ordinateur de 2 kg, il aura fallu mobilisé 800 kg de ressources (dont minerais, eau douce et énergies fossiles).
L’extraction, la fabrication et le transport de ces équipements nécessitent donc beaucoup de matière et d’énergie.
- En termes d’énergie, la fabrication et l’utilisation des équipements numériques consomment des énergies fossiles. La combustion de ces énergies émet du CO2. Le numérique représente aujourd’hui plus de 4% des émissions de gaz à effet de serre. Et ce chiffre tend à augmenter davantage, de manière continue et rapide. Ces émissions contribuent au dérèglement climatique.
- En termes de matière, beaucoup de ressources naturelles sont aussi nécessaires au processus de fabrication. Dont notamment des métaux. Il y a plus de 50 métaux utilisés pour la fabrication d’un smartphone. Certains métaux communs, mais aussi des métaux précieux et rares. Les métaux rares sont présents à de nombreux endroits, mais en très faible concentration. Par exemple pour obtenir 1kg de cuivre, il faut extraire 150kg de minerai. Mais pour 1kg de métal rare, c’est plutôt plusieurs tonnes ou dizaines de tonnes de minerai à extraire.
Une fois extraits de la croûte terrestre, ces métaux doivent être raffinés.
Cette extraction et ce raffinage nécessitent également un important volume d’eau douce. En sachant que les mines d’extraction sont principalement situées dans des endroits où cette ressource est déjà manquante ou présente en faible quantité. La tension sur l’utilisation de l’eau créée donc des situations de stress hydrique et de compétition pour l’usage de l’eau avec les besoins agricoles et des populations locales.
Ces activités requièrent aussi d’utiliser de nombreux produits chimiques. Ces produits engendrent une pollution locale des sols, de l’air et de l’eau, impactant la santé humaine et la biodiversité animale et végétale.
De plus, ces stocks de ressources utilisées sont des ressources finies.
Des pénuries de ressources sont donc à prévoir dans le temps. En effet, les concentrations des gisements s’amenuisent et seront de plus en plus difficiles d’accès. Nécessitant donc un coût énergétique, environnemental et financier de plus en plus important.
Ces pénuries conduiront à des flambées de prix. Et ces deux éléments combinés, pourront mener à la fois à une rupture de continuité de services numériques et à des tensions géopolitiques sur l’attribution des ressources.
Impacts lors de l’utilisation des équipements numériques
Le trafic Internet augmente de manière exponentielle. Il a été multiplié par 10 entre 2010 et 2020. Et l’essentiel de ce trafic, soit 80%, est lié au visionnage de vidéos.
Or, accéder à Internet nécessite le fonctionnement et l’usage d’infrastructures réseaux, de data centers et d’équipements utilisateurs. Ces derniers représentent environ 34 milliards d’équipements dans le monde, entre ordinateurs, smartphones mais aussi montres, télévisions et autres objets connectés. Ce qui représente une moyenne de 8 équipements par utilisateur.
Et ces infrastructures et équipements consomment de l’électricité lors de leur utilisation. Cela représente environ 5% de la consommation d’électricité mondiale. Et ce sont les équipements utilisateurs qui sont le plus consommateurs. Ce qui s’explique par le fait qu’il y en ait beaucoup plus en termes d’ordre de grandeur.
En sachant qu’au niveau mondial, les deux tiers de l’électricité sont produits à base de charbon ou de gaz, donc d’énergies fossiles. Tout comme pour l’extraction, la combustion de ces énergies fossiles émet du CO2 et contribue au dérèglement climatique en créant un effet de serre additionnel.
De plus, l’utilisation excessive du numérique génère également des problèmes de santé mentale. On peut citer l’anxiété, la dépendance et des troubles de la concentration.
Impacts lors de la gestion de fin de vie des équipements numériques
Après fabrication et utilisation, les équipements numériques finissent par devenir des déchets électroniques. Et cela de manière accélérée du fait de l’obsolescence technique matérielle ou logicielle, mais aussi du fait de l’obsolescence psychologique. Un ordinateur a par exemple une durée de vie de 4 ans en moyenne et 88% des français changent de smartphone alors que l’ancien fonctionne encore.
Une partie des équipements inutilisés reste stockée dans les placards des particuliers et des entreprises.
Et seulement 17% des équipements sont collectés au niveau mondial pour rejoindre des filières de recyclage. Ce nombre grimpe à 50% en France. Le reste est soit enfoui ou incinéré, ce qui contribue à la pollution des sols, de l’eau et de l’air. Et une grande majorité, 60%, rejoint des circuits illégaux. Ils sont alors exportés pour être retraités dans des conditions indécentes, puis rejoindre des décharges sauvages.
Mais malheureusement, même lorsqu’ils sont collectés et rejoignent les filières légales, le recyclage des équipements n’est pas optimal.
Une infime partie de la matière seulement est récupérable. Et le reste des matériaux va également finir incinéré ou enfoui. Car un équipement regroupe plus de 50 métaux différents, présents en petites quantités et avec des alliages. Il est donc complexe de les séparer.
Avec un faible taux de collecte, puis de recyclage, seulement un faible taux de matière est donc effectivement recyclé. Et il y aussi d’autres limites, comme la perte de qualité de la matière à chaque cycle de recyclage, et la consommation d’énergie et de matière nécessaire au processus de recyclage.
Vers un numérique plus responsable
Pour résumer, le numérique est composé d’éléments tangibles qui permettent son utilisation : Des datacenters et serveurs, des infrastructures réseaux et des équipements utilisateurs. Ces éléments ont un impact lors de leurs différentes phases de vie : de la fabrication, à leur utilisation puis à leur fin de vie.
Il s’agit d’un impact à la fois :
- environnemental, avec l’exploitation de ressources naturelles finies et la combustion d’énergies fossiles, émettrices de CO2.
- sanitaire, lié à la pollution des sols, de l’eau et de l’air, qui nuit à la biodiversité animale et végétale, ainsi qu’à la santé humaine.
- sociétal, avec des conditions de travail souvent indignes (revenus modiques, travail d’enfants, manque de protection contre les substances nocives, …) dans les filières d’extraction, de raffinage et de traitement des déchets.
- géopolitique et éthique, sur les questions d’arbitrage des ressources et de divergences entre pays exportateurs et importateurs.
Et cela est en train de s’accélérer avec de nouveaux usages émergents et à venir (5G, véhicules autonomes, IA, …).
Pour réduire ces impacts, nous ne pouvons d’ailleurs pas compter sur le progrès technique. Les effets positifs de l’optimisation de la consommation énergétique ou du processus de fabrication des équipements sont constamment contrebalancés par un effet rebond qui multiplie les usages.
Il est donc impératif de se tourner vers d’autres solutions afin d’œuvrer pour un numérique responsable et durable.
Un autre numérique est possible en appliquant les principes de sobriété, que ce soit en tant que particulier ou professionnel.
Côté matériel, il est possible de :
- Limiter le nombre d’équipements par utilisateur. Cela peut passer par la réduction des achats numériques ou la mutualisation de certains équipements. Mais aussi par l’achat d’alternative non numérique (montre VS montre connectée) ou de plus petite taille (taille d’écran réduite).
- Acheter du matériel reconditionné ou d’occasion, qui soit durable et réparable.
- Allonger la durée de vie des équipements en en prenant soin, en privilégiant la réparation et en ne cédant pas à l’obsolescence psychologique.
Côté fabricant, cela signifie également proposer du matériel robuste, réparable et à faible empreinte environnementale, en privilégiant une durée de garantie étendue pour changement de pièces et réparations. - Donner ou revendre ses équipements inutilisés fonctionnels pour réutilisation. Et déposer son matériel non réutilisable en point de collecte pour recyclage.
D’un point de vue conception, il est possible de :
- Lutter contre l’obsolescence logicielle grâce à la réversibilité des mises à jour, la dissociation des mises à jour correctives et évolutives, une compatibilité étendue sur les différentes versions de système d’exploitation, l’open source, …
- Appliquer les principes d’écoconception. Cela inclut l’optimisation du code et de l’architecture pour réduire l’empreinte environnementale du produit ou service. Mais en amont il s’agit surtout de questionner le besoin initial et de se concentrer uniquement sur les fonctionnalités principales et nécessaires pour gommer le superflu. Cela permet de s’assurer de l’impact du produit sur l’ensemble de son cycle de vie, et de l’utilité du produit et de ses fonctionnalités.
- Intégrer une approche low tech qui consiste à la fois à produire uniquement des produits numériques utiles, durables, accessibles, mais aussi robustes et réparables. Et aussi qui invite à questionner la place du numérique et à envisager des solutions non numériques si elles permettent de mieux répondre au besoin, avec une moindre empreinte environnementale.
Par exemple, remplacer l’envoi d’e-mails par l’envoi de SMS, etc. - Adopter une approche Tech for Good qui met le numérique au service du bien commun. C’est-à-dire participer à des initiatives numériques en faveur des enjeux sociétaux et environnementaux, tels que l’éducation, la santé et le bien-être, la réduction des inégalités, la lutte contre les changements climatiques, …
D’un point de vue de l’usage, il est possible de :
- Réduire ses usages numériques. Selon Médiamétrie, en 2022, les internautes français ont passé 2h18 quotidiennes sur Internet en moyenne.
- Questionner ses usages et limiter les usages les plus énergivores, tels que les flux vidéos (a minima réduire la qualité des vidéos et éviter l’autoplay), le cloud (réduire la quantité de données stockées et favoriser le stockage en local) , le métavers, …
- Réduire la consommation électrique et privilégier des énergies bas carbone. Par exemple en éteignant sa box et ses équipements lorsqu’ils ne sont pas utilisés, en privilégiant un accès Ethernet ou Wifi plutôt que 3G/4G/5G et en privilégiant un fournisseur d’électricité bas carbone.
Dans tous les cas, il est essentiel de :
- Mesurer l’impact de son activité numérique en tant qu’utilisateur, et de son processus de fabrication/ conception en tant que professionnel. Cela permet d’identifier les points les plus émetteurs, ainsi que des axes d’amélioration pour réduire son impact.
- Partager et sensibiliser aux enjeux et aux solutions pour un numérique plus durable. Que ce soit au niveau personnel dans le cadre de discussions avec son entourage. Que ce soit au niveau professionnel en abordant ces sujets dans son entreprise. Que ce soit au niveau collectif en participant à des initiatives collaboratives, ou encore au niveau citoyen lors de votes, consultations ou interpellations de représentants politiques.
Appliquer une démarche de sobriété numérique, dans les différents aspects de sa vie personnelle et professionnelle, permet donc de lutter contre le suréquipement, la surconsommation, la sursollicitation cognitive et la réduction de durée de vie des équipements.
Il s’agit de questionner et de raisonner ses usages et ses pratiques pour réduire son empreinte environnementale et sociétale.
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